La cohabitation entre chiens ou le rêve sous haute surveillance…

Cet article, ça fait des mois que je me dis qu’il faut que je l’écrive, que l’idée me trotte dans la tête.

En même temps, ce n’est pas dur étant donné que la cohabitation, nous l’expérimentons tous les jours à la maison.

Oui, seulement, depuis un peu plus d’un an, je me suis aperçue que ce que je considérais jusque là comme une évidence absolue était en fait un énième magnifique cadeau de la part de nos chiens. Explications…

 

Le chien, animal social. Oui, mais !

 

Lorsque l’on parle du chien, on le proclame animal social par excellence et l’on a raison. Les rencontres sont un besoin fondamental pour cet animal dont l’appétition sociale n’est plus à démontrer. Néanmoins, ce n’est pas parce que l’on est attiré par l’autre que l’on s’imagine vivre avec au quotidien, quasi 24h/24 !

La différence et la nuance sont notables entre le fait d’apprécier faire des rencontres canines et d’apprécier de vivre en permanence avec un congénère.

Bah oui mais bon, imaginez vous qu’un beau matin, vos parents vous aient ramené un mec que vous ne connaissez ni d’Eve, ni d’Adam en vous balançant un bon vieux « Voilà ton nouveau frère/ta nouvelle sœur ! Il/Elle va vivre avec nous maintenant. Aimes le/la ! ». Euh… comment vous dire… Pas sûr que vous ayez apprécié la blague sans rechigner. Quand on y réfléchit un peu, c’est ce que la grande majorité des gens (et moi la première !) font lorsqu’il décide d’adopter un chien. On fait son choix au regard de sa vie, de ses envies, de ses disponibilités, de ses goûts, bref, de soi. On prend un peu en compte le nouvel arrivant (juste un peu et puis pas toujours quand même, sinon les éducateurs auraient moins de travail !) mais, très, trop peu prenons nous en compte le chien déjà présent dans le foyer. Comment être sûrs que ces deux individus qui ne savaient rien de l’autre il y a à peine quelques minutes vont arriver à tolérer de passer désormais la majeure partie de leur temps ensemble ? Sommes nous prêts à respecter le fait que, certains chiens ne souhaitent pas vivre à plusieurs ? Pouvons nous le comprendre ?

Alors bien sûr, tout le monde ne fait pas ca, certains prennent le temps de tester des ententes, de se demander si c’est une bonne idée, etc… mais, ne nous voilons pas trop la face non plus, on est souvent plus attentifs à nous et nos envies qu’aux réels besoins de nos chiens.
 

 

Pourquoi cohabiter est il potentiellement difficile ?

 

Après tout, pourquoi est ce que le fait de vivre à deux au lieu d’un – ou à plusieurs – devrait il être compliqué pour des chiens ? S’ils sont des animaux sociaux, faits pour vivre en groupe, pourquoi peinent-ils à former des groupes au sein de nos foyers ? Pourquoi certaines personnes se retrouvent elles à gérer chacune des entrées et sorties dans la maison, à séparer strictement des chiens dans des pièces différentes ou à devoir se séparer de l’un des chiens ?

Eh bien, en premier lieu, comme je l’ai évoqué un peu plus haut, car cette notion de choix est quasi inexistante quant aux cohabitations que l’on propose à nos chiens. Pas plus qu’ils ne choisissent avec quel humain ils vont passer leur vie, les chiens ne décident pas de vivre avec CE chien qu’ils doivent pourtant supporter en toutes circonstances. Pourquoi sommes nous, nous même, humains, capables de vivre en communauté (encore, parfois pas pour toute la vie) ? Parce que nous avons la possibilité de choisir avec qui nous voulons partager nos vies, tout simplement.

Nous avons aussi la possibilité de choisir si nous voulons plus partager notre vie avec telle ou telle personne.

Combien de fois par jour octroyons nous le droit ou la possibilité à nos chiens de s’isoler ? D’aller se reposer seul dans la pièce de leur choix ou de se balader seul ? Lorsque l’on vit avec plusieurs chiens, à quelle fréquence proposons nous des temps individuels à nos chiens ? Que ce soit des moments de tendresse, s’ils le souhaitent, de repos, de promenade, de partage quelconque avec nous  et sans le(s) autre(s) chien(s) ?

Comme je vis la situation quotidiennement, je peux vous le dire : sans doute pas assez.

En lien direct avec ce que nous évoquions plus haut, il y a donc également la notion de partage.
 

 

 

Les chiens doivent alors partager l’humain, une ressource parfois très convoitée et souvent disponible en peu d’exemplaires (c’est quand même c** qu’on ne puisse pas encore se cloner, n’est ce pas ?) mais c’est loin d’être la seule chose à diviser de manière équitable.

A plusieurs, on doit également partager l’espace, les lieux de couchage, le meilleur dodo près du chauffage ou au contraire, le coin de carrelage le plus frais près de la porte. On doit partager les gamelles d’eau, même quand on a tous soifs au même moment, les trucs à mâchouiller… Bref, on partage tout quoi.

Et souvent, l’humain n’a pas conscience de la difficulté qui réside dans cette notion de partage permanent. Parfois, je suis certaine que les chiens n’ont pas envie de se poser 274 questions, à se demander si c’est ok d’aller se coucher là par rapport à un tel qui le regarde de travers ou va venir le déloger au bout de 3 minutes, etc… être le seul chien du foyer c’est aussi avoir la certitude que certaines choses sont à soi, sans tensions ou négociations. Ou alors, on négocie avec l’humain, peut être !

 

Les secrets d’une cohabitation harmonieuse entre chiens

 

Si seulement j’avais une belle recette toute prête à vous livrer… Mais comme toujours, ca ne marche pas comme ca !

Alors je vous propose plutôt de vous livrer ma recette à moi, celle que je tâche de mettre en pratique dans mon quotidien et, parfois, dans celui de mes clients.

  • Même en groupe, les chiens sont des individus à part entière et leur accorder ce temps unique, quel qu’il soit, est d’une importance capitale pour leur bien être mais aussi pour celui du groupe dans lequel ils vivent, ainsi que pour le relationnel que nous entretenons avec eux.
  • Pour que partage ne rime pas nécessairement avec sacrifice perpétuel, essayons de multiplier les ressources « primaires » : plusieurs gamelles d’eau et plusieurs dodos différents par pièce. Attention aux objets et autres jouets laissés à disposition ! Si les chiens en sont capables et le gère bien, on veillera à leur laisser des objets en quantité suffisante pour éviter les conflits. Ainsi, si je vis avec 6 chiens, je laisse toujours 7 ou 8 bois de cerf à disposition. Si j’en laisse !
    Si le partage de ce genre de choses est compliqué, on peut les donner dans des pièces séparées, par exemple ou alors y renoncer totalement, pour le bien être du groupe. Et oui, on ne peut pas toujours tout avoir et il faut aussi être prêt à changer sa façon d’envisager les choses ! Même sur des thématiques qui, à nos yeux, ne devraient pas être problématiques…
  • En fonction des problématiques présentes au sein de la cohabitation, il est parfois préférable d’éviter les interactions autour de la nourriture également. Les repas peuvent être pris de façon séparée mais on peut également aller jusqu’à empêcher l’accès aux zones où la nourriture est présente : cuisine, buanderie, sous la table de la salle à manger, autour de la table basse… Tout ca est à voir en fonction de chaque cas, de chaque contexte et de chaque chien mais si vos chiens ont tendance à « s’embrouiller » au moment des repas ou lorsque vous préparez à manger, pour eux comme pour vous, etc… ca peut être des pistes à explorer.
  • Les tensions et les conflits vont avoir une plus grande tendance à apparaître lorsque « les planètes s’alignent », comme le dit si bien Jacinthe Bouchard. C’est à dire que, deux chiens (ou plus hein) dans un espace confiné, au cours d’un moment de proximité avec l’humain qui vont en plus monter en excitation par du jeu ou des interactions un peu vives, c’est, à peu de choses près, le meilleur moyen de se retrouver avec une altercation dans la maison.
    Par exemple, chez nous, nous évitons les câlins tous ensemble dans le lit. Pourquoi ? Car le fait de monter sur le lit constitue déjà un gros événement pour les chiens donc une montée d’excitation, même si ca reste bien géré. Ensuite, nous sommes présentes et interagissons avec les chiens mais, comme vous aurez compris que nous n’avons que 4 bras en tout, pour 6 chiens, tout le monde ne peut pas en bénéficier en même temps… Et, bien sûr, le lit étant de dimensions normales, l’espace est évidemment restreint pour que tout ce petit moment se déroule.
    Vous voyez un peu le phénomène d’accumulation ?
    Alors on fait quoi ? On abandonne les câlins sur le lit ?
    Pendant un moment, oui. Car nous avions la sensation que tout ca superposé, c’était trop pour notre groupe de chiens. Pendant un temps, nous avons donc décidé de diviser ces moments par binômes. Les chiens montaient donc 2 par 2 sur le lit, pendant quelques minutes puis c’était le tour de 2 autres et des 2 derniers ensuite. Ca a été une bonne solution, adaptée à notre groupe, afin que nous gardions ce rituel qui plait à tous mais pour qu’il soit réellement synonyme de plaisir, pour chacun.
  • De manière plus générale, on sera très attentif aux niveaux d’énergie présents dans le groupe et à ce que nos comportements, nos attitudes, nos interactions avec celui ci peuvent induire. Nous l’avons évoqué plus haut, l’excitation ne sera pas votre amie au sein d’une cohabitation canine, bien au contraire ! Et cette excitation, nous en sommes très souvent à l’origine…

 

 

Nous pourrions évoquer d’autres situations, d’autres problématiques, d’autres solutions mais ce serait perdre de vue l’objectif de cet article puisque l’idée n’est pas de solutionner les problème de tout le monde mais bien de vous amener à réfléchir sur le sujet. Que votre cohabitation canine se passe bien ou pas, d’ailleurs !
Ici, les choses se passent au mieux mais je sais aujourd’hui que c’est le fruit des magnifiques capacités d’adaptation de nos chiens, associées à une étroite surveillance de notre part. Si nous étions moins vigilantes, moins conscientes du caractère précieux de ce que nous vivons quotidiennement, tout pourrait être différent.

Finalement, je voulais simplement vous dire que demander à des chiens de cohabiter les uns avec les autres, c’est loin d’être anodin et que, avant que les choses dégénèrent jusqu’à devenir irrattrapables (et oui, malheureusement, ca peut arriver lorsque l’on accumule trop d’historiques négatifs…), nous devrions tous prendre conscience de cette faveur que nous font nos chiens.
C’est un beau cadeau pour l’Humain, nous devrions en prendre grand soin…

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